8e Exposition Suisse de Sculpture Bienne
Présentation
8ème Exposition Suisse de Sculpture Bienne 1986
Niklaus Morgenthaler
"Il s'agissait de permettre une fois aux sculpteurs suisses de se manifester en présentant leurs œuvres en plein air, dans le milieu pour lequel elles furent conçues. En prenant cette initiative au nom de l'Institut jurassien des Sciences, des Lettres et des Arts, nous entendions provoquer la confrontation des tendances les plus diverses et faire le point de la sculpture dans notre pays. Nous espérions enfin voir vibrer le public pour la sculpture, art social par excellence - ou qui devrait l'être - puisque ses réalisations se situent sur les façades et les places publiques, à la vue de chacun." Président du Comité d'organisation 1954: M.Marcel Joray, Dr ès sc.
Tels étaient, il y a 32 ans, les buts de la première Exposition Suisse de Sculpture en plein air; "en plein air" évoque le fait d'être entièrement exposé à ce quotidien que l'homme crée toujours à nouveau, à la ville comme à la campagne. L'artiste qui se mesure à cet espace public et délimité, qui doit poser les vraies questions et donner les bonnes réponses, assume une des tâches les plus exigeantes que peut proposer l'art plastique. Les difficultés que doivent affronter ceux qui réalisent de telles œuvres résident avant tout dans l'enchevêtrement progressif des nombreux intérêts d'une population citadine.
"Nous espérions enfin voir vibrer le public pour la sculpture, art social par excellence".
Si, en 1954, Marcel Joray disait de la sculpture qu'elle était "l'art social par excellence", elle doit aujourd'hui satisfaire à cette exigeance dans une plus large mesure encore.
Mis à part les aspects matériels, le monde que nous avons façonné n'est devenu ni plus social ni plus humain, malgré les espoirs d'antan.
La première Exposition Suisse de Sculpture en plein air était l'acte courageux d'un homme engagé, ainsi que d'autorités compréhensives et disposées à appuyer le projet. Le succès que connut cette première - et alors unique - exposition en Suisse, renouvelée tous les 4 ans, est à l'origine de la plupart des expositions de sculpture ultérieures, organisées dans des vallées entières, de petites cités éloignées, dans les zone piétonnes et les parcs qu'offrent des agglomérations plus importantes. On y devine aisément les arrière-pensées de promotion touristique ainsi que le surmenage d'ordre matériel imposé aux artistes qui, on le comprendra, voudront que leur nom figure dans chaque catalogue.
C'est sur la toile de fond de toutes ces expositions qui menacent de sombrer dans un climat de "public-relations" et de "do-it-yourself" que notre 8ème exposition doit se distinguer et aussi s'affirmer, je l'espère.
"Le public a compris que l'artiste n'a plus nécessairement pour mission d'enjoliver ni même d'ennoblir, que le joli n'est pas le beau. Il finira par accepter ces figures sculpturales qui sont des idées, parfois apaisantes, parfois bouleversantes." Marcel Joray
Bien que cette manifestation se présente d'une façon toute différente des précédentes, elle s'inscrit dans la tradition et respecte à sa manière les critères formulés en son temps par Marcel Joray. Les artistes apportent leur contribution en se mesurant avec l'emplacement qu'ils auront choisi eux-mêmes pour y camper leur œuvre. Leurs travaux sont souvent surprenants, critiques, parfois provocateurs, mais invitent aussi à la réflexion et aident à redécouvrir l'espace urbain habituel.
Ma conception en tant qu'architecte - le thème, le parcours, les endroits idoines, et ceci en plein centre de la ville de Bienne - a déterminé le nombre des artistes et l'intérêt manifesté par eux. Les travaux des 40 participants ne sont pas moins représentatifs de leur origine spécifique que ceux, beaucoup plus nombreux, des expositions précédentes. Même au gré d'un plus petit nombre, on décèle la diversité des conceptions artistiques en tant que produit typique de notre structure fédéraliste.
S'en tenir à un nombre limité d'artistes permettait de leur fournir une aide technique et matérielle, de les conseiller et aussi de leur servir d'intermédiaire. Le but de l'exposition dont je porte seul la responsabilité est qu'elle soit ressentie dans son entité comme un événement et qu'elle fasse découvrir au citadin un milieu quotidien nouveau.
Que Bienne, l'ancienne ville des horlogers, soit restée la ville des "praticiens" et que ses citoyens aient parfaitement su transposer dans la pratique des décisions faites d'évidence et de simplicité, cela nous a, les artistes et moi-même, très agréablement surpris. C'est pourquoi je remercie tous ceux qui, par leur attitude et sans grands détours, nous ont signifié qu'ils montaient dans le même bateau et que notre curiosité serait aussi la leur.
Chapeau! pour la ville de Bienne.
Niklaus Morgenthaler
Directeur artistique